chronique du 1000 pattes – 6 – Vive le Printemps

Chronique du Milles Pattes – 6

Vive le printemps !

J’étais descendu dans la cave, à la recherche d’une dernière pomme de l’an passé (quel goût délicieux de ce temps suspendu qui a traversé l’hiver !), et je suis tombé (non, en fait j’ai grimpé pour l’atteindre) sur un recueil de Haïku d’un des plus grands, Bashô, ce précurseur de l’écologie qui ne se sentait bien que dans ses longs voyages à pied dans le Japon du XVII° siècle, de Kyoto sa ville natale, à Edo (futur Tokyo), puis à travers les montagnes jusqu’au Nord de l’ile de Hondo. Un manteau de paille, un chapeau de tiges de bambou pour se protéger de la pluie et du soleil, Matsuo Kinsaku de son vrai nom renonça au statut de samouraï pour vivre une vie errante, sensible tous les jours à la beauté de la nature sous toutes ses formes. Et rien d’un bobo à s’extasier devant le grand canyon. Dans le froid, sous la pluie, dans la brume, il perçoit la beauté d’un mont caché, l’élancement des arbres ou le chant du rossignol.

En son temps, dame nature dominait les hommes et non le contraire. Et l’homme devenait poète, saisi de ses mille facettes. Il traçait de son pinceau d’admirables kanji (les caractères chinois adoptés pour l’écriture du japonais) et ses haïku ont un sens direct en japonais mais évoquent des images parallèles, issues de leur sens chinois. Mille-pattes, me suis-je dit, trêve d’érudition, ne fatigue pas le lecteur, des exemples stp !

« Pluie de printemps

Deux feuilles ont jailli

D’une graine d’aubépine » (dans l’équilibre cosmique, la nature prospère)

« Le rossignol

Dans le bosquet de jeunes bambous

Chante son âge avancé » (le chant des anciens accompagne la croissance des jeunes pousses).

 

Bashô n’eut ni femme ni enfants. C’était un moine errant. Mais il était sensible au renouvellement permanent de la nature, à la transmission entre plantes, montagnes, pluie, soleil et oiseaux de ce que nous appelons maintenant l’énergie créatrice. « Troublant l’ordre –  des pêchers en fleurs – les premières fleurs de cerisier ».

Le printemps a été précédé par les perce-neiges, suivi par les jonquilles, puis sont venues les anémones, enfin bientôt l’éclosion resplendissante des jacinthes.  Ainsi se succèdent les générations, chacune préparant l’humus de la suivante. Les humains ont le privilège de vivre assez longtemps pour accompagner les générations suivantes, et la joie de montrer à celles-ci chaque renouveau printanier !

Que cela inspire les humains à voir la poésie de chaque paysage avant de songer à le détruire. Nous autres, mille-pattes, sommes trop éphémères. Un jour, pauvre mille-patte, je devrai écrire moi aussi les derniers mots de Bashô « voilà, je m’arrête d’écrire, je suis déjà reparti ». Mais je reviendrai, soyez-en sûrs, peut-être en papillon pour échapper au filet de vos petits-enfants…

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