“Climat: appel aux consciences” : plus de 450 personnes réunies à LLN (11/11/15) – En quelques mots, les enjeux de cet appel – Textes et vidéo
En fin de vidéo, cliquez sur les miniatures pour voir les interventions complètes des orateurs.
Voici quelques extraits:
Un des nombreux temps forts de la soirée : Marie-Hélène, membre de la Commission transition de l’AG des étudiants de l’UCL (AGL):
On ment aux jeunes !
La pensée dominante prône l’individualisme et les jeunes s’entendent dire qu’ils doivent compter sur leurs seules ressources, entre autres leur formation, pour construire leur vie. Ne compter que sur eux-mêmes pour réaliser leurs rêves.
Dans le même temps, ils constatent que la société est bloquée : nombre de responsables politiques leur expliquent qu’il n’y a pas d’alternative, tout le monde doit collectivement accepter le modèle néo-libéral sous peine d’aggraver encore la situation. Bref : individuellement nous serions puissants, mais collectivement impuissants !
C’est faux ! Seuls nous ne pouvons pas grand-chose, le monde paraît trop grand… Alors qu’ensemble, tous mobilisés, nous pouvons beaucoup !
Nous voulons que les dirigeants prennent des décisions à la hauteur des défis d’aujourd’hui. Pour cela, nous devons nous mobiliser. Si nous ne faisons rien, les conséquences économiques et sociales et ensuite politiques seront graves.
Myriam Tonus (laïque dominicaine, chroniqueuse dans plusieurs medias)
Qu’est-ce qui fait vivre ? Qu’est-ce qui fait mourir ? C’est l’instant de vérité. L’encyclique invite à s’engager, à agir là où on vit.
– Les jeunes sont conscients de ce qui les attend. Certains ne se sentent pas soutenus. Ils se sentent parfois dévalorisés (mépris pour leur obsession des jeux vidéos, etc .). Il faut les encourager et les impliquer.
Après l’intervention du public : « On pourrait être surpris par la réaction de notre jeunesse… En 1967, personne n’avait vu arriver la contestation de mai 68… »
Michael Privot (islamologue et co-auteur de « Tareq Oubrou, profession Imam », Ed. Albin Michel)
– La déclaration d’Instanbul. Elle produit du sens, mais elle ne va pas assez loin et est assez peu connue du grand public.
Eddy Caeckelberghs – En tant que franc-maçon (ancien 1er grand maître adjoint du Grand Orient de Belgique)
– Les obédiences françaises – contrairement à ses équivalents belges – s’expriment couramment, et cela paraît normal en France. La récente – et toute première – déclaration de sept obédiences maçonniques françaises sur le climat a le mérite d’exister… Elle rappelle des valeurs de base, tout en donnant un coup de pied dans la fourmilière… Il reste à voir si cela ira au-delà d’une simple déclaration…
Eddy Caeckelberghs – En tant que journaliste radio
– Les patrons de presse sont rarement journalistes, tandis que les journalistes sont soumis aux lobbies (groupes privés ou parlement) dont ils dépendent…
– La multiplication des types de médias (papier, site web, facebook, twitter,…) et la priorité donnée à l’instantané, au travail dans l’urgence, exigent de faire toujours plus alors que les équipes ont tendance à se réduire. La qualité s’en ressent inévitablement…
– Les lecteurs consom’acteurs doivent être plus exigeants ET plus ouverts à l’ «éditorialisation », à une parole prenant position, ne se limitant pas au seul énoncé des faits.
– Mais quelle est la capacité des journalistes à éditorialiser, et donc à s’engager ? Bien plus faible qu’auparavant, car ils sont censés pratiquer un consensus satisfaisant le plus grand nombre pour préserver l’audience… et donc les recettes publicitaires. Sans quoi ils sont vite rappelés à l’ordre. Les statutaires se sentent plus libres de parole, mais ils sont de moins en moins nombreux : on les remplace par des collègues au statut plus précaire (CDI, CDD ou free lance) dont la liberté de parole est très faible.
Après l’intervention du public : “Pratiquer les circuits courts, oui, mais sans tomber dans l’hyper-localisme ou l’hyper-nationalisme.”
Herman Van Rompuy (président émérite du Conseil européen et président d’honneur du Club de Rome EU-Chapter),
– L’objectif de l’U.E.« -40% de gaz à effets de serre (GES) en 2030 par rapport à 1990 » est crédible et réalisable (nous serons au moins à -20% en 2020). Nous avons la technologie pour… Mais il ne suffit pas de voir le bien pour suivre la bonne voie… Il reste à mettre en ligne les idéaux et les intérêts…
– En Chine, la pollution est telle qu’ils sont obligés de réagir… Le président chinois sera à la COP21, tout comme le président américain. Aux USA, Barak Obama pousse dans le bon sens. A Paris, l’Union Européenne parlera d’une seule voix (contrairement à Copenhague en 2009). Avec quels alliés ? Elle se concerte avec les Africains, très concernés, pour tenter d’arracher un accord contraignant et ambitieux. L’Europe a pris le leadership (moins de CO2)…
Eric De Keuleneer (président du CA de l’ULB et prof. à la Solvay Brussels School of Economics and Management),
– Comment changer les comportements dans l’industrie, entre autres dans le secteur des énergies fossiles ? Tant qu’il y aura des espoirs de profit et des consommateurs… cela ne changera pas.
– Prendre des mesures d’interdiction pour modifier les comportements, ce n’est pas évident… Taxer, oui, mais si la lutte pour l’environnement est présentée comme un ennemi de l’activité économique, les lobbies feront tout pour que rien ne change. Quand le pétrole est bon marché, c’est le moment de relever les taxes ! Mais les lobbies pétroliers et la FEB (fortement influencée par la Chambre de Commerce américaine) convainquent les décideurs politiques et la population que ce n’est pas une bonne idée : « Les emplois, la compétitivité, le pouvoir d’achat,… vous voyez… Et ce sera de votre faute, vous les politiciens, attention… »
– Il faut changer les paramètres. Exemple : on accorde beaucoup de subsides à l’alimentation de masse plutôt qu’à celle de qualité. Autre exemple : des subsides directs et indirects soutiennent les énergies fossiles,…
– Il faut réconcilier l’économie et le souci de l’environnement, lequel offre quantité de nouvelles opportunités.
– Certains lobbies font croire que la seule politique praticable pour aller de l’avant consiste à accorder des subsides au « secteur écologique » (éoliennes, photo-V,…)… que l’on s’empresse de réduire dès qu’une crise pointe son nez. Une vraie politique environnementale taxerait les comportements nuisibles à l’environnement.
– Il est essentiel que les citoyens engagés fassent pression sur leurs mandataires politiques : ces derniers parlent tous d’écologie, mais concrètement…
– Evitons les consensus faciles autour de fausses solutions. Ex : la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) que l’on évoque de plus en plus. On trouve même des fonds de placement « socialement responsables »… Ce sont souvent des leurres.
– Une part du ralentissement de la croissance de la consommation et donc du PIB en Occident est due au manque de besoins nouveaux à satisfaire. Alors que… les besoins écologiques offrent un fort potentiel de croissance… Ce qui permettrait de réconcilier la lutte pour l’environnement et l’économie.
Il a été fait référence à l’interview accordée par Eric De Keuleneer à Trends tendances. Voici ce qu’on pouvait notamment y lire :
Davantage de production et de consommation ne signifient pas pour autant plus de qualité de vie. Il est tout de même remarquable que le gouvernement chinois soit attentif aux problèmes environnementaux, alors que le pays doit lutter contre une croissance affaiblie.
Au cours des vingt dernières années, la croissance – en Occident aussi – était surtout orientée “dettes”. Combien de dette supplémentaire pouvons-nous encore constituer ?
Peut-être qu’une meilleure qualité de vie est également possible sans croissance du produit intérieur brut.
Pour les politiciens, la croissance et l’injustice sont pratiques. Ils peuvent alors redistribuer, ce qu’ils font volontiers. Les électeurs ont ainsi l’impression qu’ils reçoivent de l’argent des politiciens… L’alternative – une égalité accrue – pourrait générer un tollé.
Voici 20 ans, le secteur financier représentait 3% de l’économie ; aujourd’hui, aux États-Unis et dans quelques pays européens, la proportion est de 10 à 12%. Le secteur a connu une grande concentration au cours des dix dernières années. Il y a beaucoup moins de concurrence internationale qu’auparavant. Le secteur financier aspire les moyens hors de l’économie productive, mais ne crée rien, si ce n’est beaucoup de volatilité. C’est pourquoi chacun paie pour les excès du secteur financier. Si le monde financier absorbait moins d’argent pour les rémunérations, des moyens se libèreraient pour l’emploi dans d’autres services, par exemple dans l’enseignement ou dans le secteur des soins.
Dans le secteur financier américain et européen, des dizaines de milliers de personnes gagnent plusieurs millions d’euros par an. Voire des dizaines de millions pour un certain nombre d’entre elles. Ce n’est plus normal. Le secteur financier produisant lui-même peu, tous les autres secteurs de l’économie doivent payer ces rémunérations ; on a ainsi besoin de redistribution pour compenser l’inégalité.
Jean-Pascal van Ypersele
Professeur à l’UCLouvain et ancien Vice-président du GIEC (2008 – oct. 2015)
Membre d’honneur du Club de Rome EU-Chapter
“Nous commençons à réaliser que c’est à nos propres enfants que nous risquons de léguer une planète moins habitable. [Oui], de tels constats alimentent un certain pessimisme. (…) Mais (…) les solutions sont déjà à portée de main aujourd’hui. La manière dont l’énergie est produite et consommée va changer fondamentalement. Ce n’est pas de l’optimisme béat que de croire à tout cela. C’est l’optimisme de la volonté. (…) [Je] reste convaincu que, face aux manifestations de plus en plus visibles du problème climatique, une juste prise de conscience de la gravité de la situation va se faire. De plus en plus de personnes seront touchées dans leur cœur et comprendront profondément l’urgence d’agir. Elles en trouveront alors le courage.”
Pour le texte complet de son intervention,cliquer sur J-P v Yp – Intervention 11-11-15