De la CoP21 – CoP22 : Petit guide pour mieux comprendre les enjeux et les débats
Un membre de notre conseil d’administration, François de Borman, a suivi les débats du Parlement bruxellois sur la conférence climatique qui commence dans quelques jours à Marrakech. … L’occasion de pointer le retard qu’est en train de prendre la Belgique !
Introduction
Ce rapport est basé sur les notes prises par Grands-Parents pour le Climat durant l’audition de Mr Peter Wittoeck, chef du service Changements climatiques du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement à la Commission de l’environnement et de l’énergie du Parlement Bruxellois lors de sa réunion du 18 octobre 2016.
Le but de cet exposé était de faire le point sur la situation après la COP21[1] et en préparation de la COP22 de Marrakech. Il offrait ainsi une opportunité unique de comprendre l’état des choses à ce jour.
Résumé de l’accord de la COP21 :
– La COP21 a été la plus importante réunion internationale de l’histoire jusqu’à présent : 196 parties (= nations) représentées, 150 chefs d’état ou de gouvernement présents, >36000 participants.
– L’accord de Paris qui en résulte comprend 29 articles couvrant : la différenciation (traitement des pays en développement par rapport aux pays riches), la vision à long terme, les cycles d’ambition (revue périodique des objectifs en fonction des progrès), la mitigation (mesures pour limiter le réchauffement), l’adaptation (mesures pour contrer les effets néfastes du réchauffement), les flux financiers, la vérification (compliance).
– Cet accord est contraignant dans sa forme (accord formellement approuvé par les nations participantes), mais aussi dans ses provisions (environ 80% des articles utilisent « shall » ou « should » au lieu de « aim to », « are encouraged to » ou « may »)
– Toutes les parties sont traitées de la même manière, contrairement aux accords de Kyoto qui ne s’appliquait qu’aux pays de l’OCDE. La différence entre pays riches et pauvres est traduite dans les plans à soumettre par chaque pays.
– Les objectifs sont clairement définis :
o Limiter le réchauffement nettement en-dessous de 2° en visant 1,5°
o S’adapter au réchauffement
o Rendre les flux financiers compatibles avec la lutte contre le réchauffement
Que faut-il faire pour remplir ces objectifs ?
– Les mesures à prendre pour satisfaire à l’accord de Paris ne sont pas chiffrées dans cet accord. L’IPCC est considéré comme étant l’expert faisant autorité, et a résumé les objectifs comme suit si on se tient à 2° d’augmentation :
o Atteindre le pic d’émissions de GES le plus rapidement possible
o Réduire les émissions de GES de 50% en 2050 par rapport à maintenant
o Atteindre la neutralité climat (cad ne plus avoir d’augmentation de la T° globale due à l’activité humaine) après 2050, au plus tard en 2100
– Pour 1,5° d’augmentation il faudrait atteindre la neutralité en 2050, ce qui est très improbable. L’importance de cet objectif est cependant de rappeler qu’obtenir 2° de réchauffement ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire de plus, mais qu’au contraire il faut continuer les efforts.
Actions au niveau mondial depuis la COP21 :
– « Now comes the real work ! » (déclaration de C. Figueras au G20)
– L’UNEP (United Nations Environmental Program) a publié un rapport montrant que ces objectifs impliquent de considérablement renforcer les plans soumis par les pays en préparation de la COP21. Ces plans mènent à une augmentation d’au moins 3,5°.
– Le GIEC continue son travail d’expert. Un rapport récent montre que pour réduire les risques résultant du changement climatique il faudrait prendre beaucoup plus de mesures que ce qui est planifié jusqu’ici.
– L’objectif (inscrit dans l’accord de Paris) est de mobiliser 100 milliards de $ par an pour le climat. Ce chiffre comprend les transferts vers les pays en développement, mais également les investissements privés, qui sont très difficiles à contrôler.
– Dans son rapport 2015 sur les investissements, l’Agence Internationale de l’Énergie prévoit 2 objectifs majeurs à atteindre d’ici 2035 :
o Tripler l’investissement annuel dans l’électricité renouvelable par rapport à 2010
o Multiplier par 8 l’investissement annuel dans l’efficacité énergétique
– Un rapport d’experts financiers montre que les effets de ces investissements sur l’économie n’entraîneront pas de crise économique : il s’agit d’un shift des investissements au lieu d’investissements supplémentaires.
– Les plans nationaux doivent être soumis en 2018, revus pour 2020 en fonction de l’écart avec les objectifs. La révision ne peut en aucun cas conduire à une réduction de l’ambition.
– Les secteurs qui ne sont pas couverts par l’accord de Paris sont les suivants :
o Les fuels pour l’aviation : augmenteront avec un facteur 3 ou 4 d’ici 2050 si rien n’est fait. L’ICAO (agence internationale de l’aviation) prévoit une compensation par l’achat de droits d’émissions, ce qui est dérisoire.
o Les fuels pour les bateaux : l’IMO (agence internationale maritime) cherche à définir un objectif.
o Les GES autres que le CO2 : parmi ceux-ci, les émissions de gaz fluorés sont un grand souci, avec une augmentation très importante (entre 300% et 800%) prévue d’ici 2050, menant à eux seul à une augmentation de T° de 0,5° ! Heureusement un accord a été atteint le 15 octobre 2016 pour inclure ces gaz dans le Protocole de Montréal qui limite les émissions de CFC.
Que va faire la COP22 ?
– Comme l’accord de Paris entrera en vigueur avant le début de la COP22, celle-ci pourra se concentrer sur la mise en œuvre de cet accord, en particulier en ce qui concerne :
o Le financement : s’assurer que les 100 milliards de $ annuels deviennent réalité
o Les plans nationaux : pour la COP21 de multiples méthodes ont été utilisées, les plans ne sont pas comparables. Il faut se mettre d’accord sur la manière de les formuler et de les mesurer.
o Le cycle d’ambitions : comment les réalisations seront mesurées par rapport aux objectifs.
– Pour certains, la COP22 sera par conséquent encore plus importante que la COP21.
Que fait l’Europe ?
– L’Europe maintient son mécanisme de marché du carbone (ETS) qui couvre les émissions industrielles.
– Pour les autres émissions, l’effort doit être considérablement plus important. Pour la Belgique cela résulte en une réduction de 35% des émissions de CO2 d’ici 2030.
– Les études économiques montrent que les mesures requises entraîneront une augmentation du PIB et de l’emploi en Europe.
– Chaque état membre doit faire un plan complet d’ici 2020. Pour la Belgique l’élaboration de ce plan demande la coopération de toutes les régions avec le fédéral, ce qui est un souci évident ! Le plan doit être national.
– La gouvernance de ce programme est une des priorités majeures de la Commission.
– Dans le rapport « State of the Energy Union », la Commission signale que pour 4 états membres les plans ne sont pas suffisants : le Luxembourg, l’Irlande, l’Autriche et la Belgique. Voir https://ec.europa.eu/priorities/energy-union-and-climate/state-energy-union_en
Que fait la Belgique ?
– Sans avoir l’air d’y toucher, l’exposé de Mr Wittoeck montre qu’il y a un gros souci au niveau belge. Il a été décidé de ne pas commencer à travailler au plan national avant qu’un accord ne soit obtenu sur la répartition de l’effort entre les régions !
– Le Conseil d’État a jugé que la ratification de l’accord de Paris requiert l’accord non seulement des régions, mais aussi des Communautés. On prévoit que cette procédure ne sera finalisée qu’au 1e trimestre 2017.
– Le SPF environnement publie des études sur ce qui devrait être fait. Il montre entre autres que les transports en commun (donc aussi les bus) devraient être électriques (la région bruxelloise vient d’acheter des bus hybrides…)
– Le site du SPF environnement contient plusieurs rapports fort intéressants concernant l’état actuel et les possibilités futures pour la Belgique, accessibles en cliquant sur le lien suivant : http://www.climat.be/2050/fr-be/accueil/
Que faisons-nous ?
– De tout ceci il ressort que dans notre pays compliqué la pression citoyenne sur les autorités doit être très forte pour éviter que la Belgique ne reste à la traîne et ne rate le train.
Lexique
– CFC : chlorofluorocarbones. Ces substances étaient utilisées massivement dans de nombreuses applications (mousses isolantes, dégraissage, réfrigération,…) Quand on a découvert que ces substances causaient la disparition de la couche d’ozone dans l’atmosphère, leur remplacement par des substances moins nocives a été convenu dans le Protocole de Montréal, qui constitue à ce jour le seul exemple d’accord international ayant abouti à une amélioration substantielle de l’impact de l’humanité sur l’environnement.
– COP : Conference of Parties, organe suprême en charge des accords sur le climat dans le cadre de la conférence de Rio en 1992. La COP21 était la 21ème réunion de ce groupe.
– GES : gaz à effet de serre, qui permettent à la terre de garder une partie du rayonnement solaire. Sans GES la terre serait une boule de glace. Ces gaz comprennent de multiples composés chimiques, dont le principal est la vapeur d’eau. Le problème actuel est causé par l’augmentation des GES dans l’atmosphère, et principalement le CO2, causée par l’activité humaine.
– GIEC : groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. GIEC est le nom français de l’IPCC.
– IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change, organisme fondé en 1988 par les Nations Unies pour informer les gouvernements des questions relatives au changement climatiques.
– UNEP : United Nations Environmental Program, PNUE en français. Établi en 1972, le PNUE est l’entité du système des Nations Unies designée pour répondre aux problèmes environnementaux aux niveaux régional et national.
- de Borman, 29 octobre 2016
[1] Pour la signification des acronymes qui ne sont pas expliqués dans le texte, voir la rubrique « lexique » en fin de document.