Certains soirs de mai, l’air vibre, lourd de la promesse de jours chauds

En moi aussi quelque chose vibre, je ne sais pas trop

J’ai 5 ans, papa propose : « qui veut venir avec moi écouter le chant des reines ? »

Je me précipite, nous descendons la pente verte, empruntons le chemin qui passe sur la digue de l’étang, remontons à travers le petit bois jusqu’au rucher

Je crois que j’ai mis ma main dans la sienne, mais peut-être j’aurais voulu, et j’améliore dans mon récit, selon mon désir

Dans le rucher, 2 grands pavillons fabriqués par papa…. le soleil est presque couché, les abeilles sont rentrées…pas besoin de les enfumer. Papa ouvre la porte, c’est comme une petite maison, une sorte de couloir avec les ruches rangées de part et d’autre…Il colle son oreille contre chaque ruche ; du côté intérieur c’est juste un panneau, et on devine la vie derrière

Il me demande : « tu entends ? » …. Je l’imite. Je me focalise tellement sur mes oreilles qu’elles prennent toute la place dans ma tête

Ça bourdonne dans les ruches…et moi, évidemment :

• « oui, oui »

Mais ce qu’il me faudrait repérer c’est le « Bzzzz » particulier de la reine ; un Bzzz plus entêté, plus convaincant, plus attirant … Je n’ai rien repéré de particulier , je n’ai rien entendu de tel

Très concentrée :

• « oui, oui j’entends »
• «  alors il faudra que je revienne demain, dit papa, il y a probablement une deuxième reine….et elle risque d’essaimer et d’entraîner avec elle toute une partie de la ruche »

Je ne sais pas s’il a dit cela pour me faire plaisir, si effectivement il y avait 2 reines dans une des ruches, si notre écoute a permis d’éviter un essaim

Au retour vers la maison j’étais silencieuse, mes oreilles encore tout attentives,  et les bruits du bois, de l’étang, des vieilles pierres faisaient symphonie

Mon papa n’exprimait pas trop son affection, mais ce soir là j’ai eu le sentiment d’être un petit peu sa princesse….

Par une membre anonyme des GPC. Merci à elle