Rencontre avec Thierry Libaert

Une rencontre avec un spécialiste de la communication sur le dérèglement climatique.

Thierry nous raconte. En 2007, alors qu’il participait au Grenelle de l’environnement (ensemble de rencontres sur l’environnement et le développement durable, sous l’égide du Président français de l’époque, Nicolas Sarkozy), il se rend compte que toutes les mesures proposées au Gouvernement reprennent exactement ce qui avait déjà été décidé en 1970 dans le rapport Armand et ses 100 propositions sur l’environnement.

Là, j’ai eu un déclic, nous dit-il. Il y un problème de communication et il Identifie quelques écueils importants :

  • Les décisions sont prises sur base d’enquête qui sonde les opinions publiques. Or, il existe un fossé entre l’individu citoyen et l’individu consommateur. La plupart des gens ne sont pas conscients de leur impact environnemental. 85% des Français ont l’impression de ne pas polluer.

Il donne l’exemple du commerce équitable : 90% des Français estiment qu’ils ont recours au commerce équitable alors qu’en réalité les statistiques montrent que seulement 10 € y sont dépensés par foyer. Il pointe alors l’écart entre l’opinion véhiculée par un individu et son comportement : Informer est loin d’être suffisant pour changer les comportements

  • Il épingle également l’erreur fréquemment commise : confondre la sensibilisation et la mobilisation. Trop souvent, nous croyons que l’information et la sensibilisation suffisent pour modifier les comportements.  Or seule, la mobilisation amène une transformation de nos comportements. Et celle-ci exige une tout autre stratégie de communication.

Laquelle ?

Loin d’être exhaustifs, voici quelques principes qui, pour lui, doivent être à l’œuvre

  • La communication doit se dérouler entre pairs c’est-à-dire entre personne qui partagent des habitudes culturelles, un niveau socio-économique, qui ont plus ou moins le même âge…
  • Elle doit réunir des personnes qui sont proches dans le temps et dans l’espace : style « réunion Tupperware » sans oublier que les personnes qui recouraient à ce genre de pratique recevaient une formation préalable. On ne s’improvise pas mobilisateur ou mobilisatrice.
  • Il souligne aussi la valeur de l’exemplarité : Thierry donne l’exemple des panneaux solaires : ce ne sont pas les incitants financiers qui poussent à leur installation mais plutôt le fait de voir ses voisins qui en installent.
  • Questionner la publicité : nous recevons 300 à 400 messages de pub par jour. Combien insistent sur le changement vers un comportement vertueux ? En revanche, la plupart imprègnent notre imaginaire d’un lien qui assimile le bonheur et la consommation.
  • Concrétiser son message. Comment visualiser et s’émouvoir sur 1 tonne de CO2 ? Mais nombreux, nombreuses, nous avons été touché.es par les inondations dans le sud du pays, par celle du Pakistan, par les 55 degrés en Inde au début du printemps. Or s’émouvoir pousse à l’action.
    Bref, un message percutant doit véhiculer à la fois une information exacte mais aussi être porteur d’une dimension émotionnelle.

Et nous, que pouvons-nous faire ?

Certes, nous n’allons pas devenir des pro de la mobilisation ! Mais nous pouvons témoigner à nos amis et amies de nos combats pour aller vers plus de sobriété. Comment nous avons réussi à renoncer à prendre l’avion pour quelques jours de vacances, privilégiant le train pour visiter un village en France, par exemple. Ou comment, malgré notre gout pour la viande, nous en avons réduit la consommation ; ou encore, l’achat de nouveaux vêtements.

Il y a quelques jours, une amie me confiait combien elle avait envie de s’acheter de nouveaux pantalons alors que sa garde-robe en regorge. Je lui racontais comment moi-même, je me battais avec moi pour ne pas acheter le beau pull que j’avais vu en vitrine (j’adore les pulls). Toutes les deux, nous avons ri de nos envies irrésistibles. Je n’ai pas acheté le pull. Elle, pas non plus, son pantalon.

Encourageons-nous mutuellement en nous racontant nos réussites, nos combats intérieurs pour parvenir à réduire notre empreinte carbone. Et n’ayons pas honte des moments où nous avons succombé aux chants de la pub.

Cécile de Ryckel
P.S. https://avenirclimatique.org/calculer-empreinte-carbone/ au cas où vous voudriez calculer votre empreinte carbone. Je viens de le faire, oh lala. Je suis à 5,5 tonnes. Il me donne pour objectif 2 tonnes. Plus aucun achat de pull pendant 10 ans ! 😀

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