Le défi climatique: un enjeu de civilisation (Notre Carte blanche – Le Soir 10/11/2015)
Le réchauffement climatique pose un défi à l’humanité. Voilà que sa « maison brûle », comme l’avait dit M.Chirac[1]. L’activité humaine en étant la cause principale, l’homme se fait pyromane de sa propre demeure. Alors que se prépare la conclusion d’un accord mondial à Paris, plusieurs leaders spirituels se sont exprimés haut et fort en faveur d’un autre rapport à la Terre, à la nature, au vivant, plaidant de façon convergente pour un modèle de développement socialement plus juste et préservant les ressources naturelles pour les générations futures.
En deux mots, les leaders spirituels nous disent que « sauver le climat » implique une révolution des esprits, des valeurs, des comportements, bref un changement de paradigme complet de la société dans laquelle nous vivons.
Dans son encyclique Laudato si, accueillie favorablement bien au-delà du monde des croyants, le pape François met en exergue la dimension sociale de la crise écologique :
« Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus, et simultanément préserver la nature. »
A l’image du Pape, les responsables musulmans lient la crise écologique aux inégalités et à la pauvreté, en soulignant « l’obligation morale à réduire la consommation de façon à ce que les plus pauvres puissent bénéficier de ce qu’il reste de ressources non renouvelables sur terre » [2] .
En juillet dernier, 36 Prix Nobel ont également interpellé les chefs d’Etat pour qu’ils prennent des mesures décisives afin de limiter les futures émissions mondiales de gaz à effet de serre, comparant le risque climatique au risque d’une guerre nucléaire :
« Jusqu’ici, nous sommes parvenus à éviter une guerre nucléaire, même si la menace demeure. Nous pensons que notre monde est aujourd’hui confronté à une autre menace d’une ampleur comparable. L’inaction soumettra les générations futures de l’humanité à un risque inadmissible et inacceptable. »
Qu’ont à dire les grands-parents ? Nous avons eu la chance de connaître une prospérité sans égale liée à 70 années de paix en Europe occidentale. Cette prospérité, et la paix elle-même, sont aujourd’hui mises en danger par la surexploitation de la planète, l’aggravation des inégalités, et les déséquilibres climatiques, biologiques et sociaux qui s’en suivent. Notre génération est responsable de l’état du monde aujourd’hui : nous pourrions avoir honte ! Mais plutôt que de déplorer les errements passés et présents, nous voulons contribuer à faire émerger un nouveau modèle de société qui préserve « une terre à vivre pour nos petits-enfants », par la promotion des valeurs de sobriété, solidarité et bienveillance et d’une consommation responsable.
Comment ? Nous avons choisi trois axes d’action : Soutenir des modes de production et faire des choix de consommation et de placement de l’épargne plus écologiques. Développer les actions qui suscitent chez les jeunes le goût et le respect de la nature et la conscience des enjeux écologiques. Faire pression sur les décideurs politiques afin d’obtenir une législation tenant compte de ces priorités.
Un moment fort de cette fin d’année sera la soirée « Appel aux consciences » que nous organisons le 11 novembre prochain à Louvain-la-Neuve, avec la participation de personnalités de convictions diverses, inspirées par les autorités spirituelles mentionnées ci-dessus. Cette initiative a pour but de mettre le défi climatique à la hauteur des grandes questions de civilisation et pour cela de faire appel à nos forces intérieures, sans lesquelles le changement de modèle n’aura pas lieu.
Le raisonnement qui sous-tend cette initiative peut être résumé comme suit : Début décembre aura lieu la réunion COP21 à Paris, au cours de laquelle les états membres de l’ONU doivent se mettre d’accord sur les mesures à prendre pour contrer le réchauffement du climat. La conclusion d’un accord à Paris n’est pas certaine. Néanmoins même en cas d’accord ambitieux, celui-ci sera insuffisant pour arrêter le réchauffement : un tel accord est hors de portée. Le réchauffement du climat est loin d’être le seul problème de l’environnement. La disparition rapide de la biodiversité est extrêmement préoccupante, et il n’existe aucun accord global pour la contrer. Seules des initiatives louables mais totalement insuffisantes sont prises à un niveau local ou régional, en particulier par l’Union Européenne. Relever ces défis n’est pas impossible mais demande un changement de paradigme complet des schémas industriels, économiques et sociaux sur lesquels la modernité se fonde. En particulier la primauté accordée à l’économie doit être abolie et remplacée par la primauté à la dignité humaine, et donc la primauté aux conditions de vie de « tous les membres de la famille humaine ».
Pour de plus amples renseignements, consultez notre site http://gpclimat.be/
[1] en septembre 2002 à Johannesburg, à la Conférence des Nations Unies pour le développement durable
[2] Istanbul , Turkey – 18 August. Islamic leaders from 20 countries today launched a bold Climate Change Declaration to engage the world’s 1.6 billion Muslims on the issue of our time.
*Les signataires: les Grands Parents pour le climat et la Maison du Développement durable de Louvain-la-Neuve (Michel Cordier, Jean Michel Corre, François de Borman, Alain Dangoisse, Paul Galand, Bruno Goffart, Cécile Honhon, Stephane Lagasse, Dominique Lemenu, Jean Louis Petit, Thérèse Snoy, Aline Wauters)