Relations avec les assemblées élues
Principe de base : il ne s’agirait pas d’un « n-ième » conseil d’avis.
L’Assemblée citoyenne exercerait une « veille législative » : elle aurait le pouvoir de se saisir des projets, propositions de loi et décrets pour vérifier leur compatibilité avec les préoccupations « long terme » évoquées ci-dessus et de remettre des recommandations, soit d’initiative, soit sur demande des parlementaires (fédéraux ou régionaux), des sénateurs ou des citoyens (suite à pétitions).
Elle aurait le pouvoir de demander une nouvelle délibération d’une loi ou d’un décret en cours d’élaboration (s’ils entrent en opposition avec des objectifs de long terme, par exemple), en particulier lorsqu’il attenterait manifestement aux besoins des générations futures.
Dans un cadre à définir, elle aurait aussi un pouvoir d’initiative législatif à soumettre à l’accord de la Chambre des représentants ou, selon les compétences de chacune, aux assemblées régionales ou communautaires. Chaque proposition tiendrait compte des aspects tant juridiques (régionaux, nationaux et internationaux) que financiers.
En cas de conflit, pour des enjeux majeurs, on pourrait imaginer (à terme !) que la proposition citoyenne soit soumise à une votation à la manière suisse… Ce qui supposerait un aménagement de la Constitution…
Enfin, s’agissant des relations entre la nouvelle assemblée et les assemblées régionales, deux options possibles (à discuter) :
– soit la relation se passerait d’assemblée à assemblée.
– soit la nouvelle assemblée distinguerait en son sein deux groupes linguistiques, chacun d’entre eux étant spécialisé dans les relations avec l’assemblée de son propre régime linguistique (mais quid dans le cas de la région bruxelloise, alors ?).
Elle pourrait être logée dans les locaux du Sénat – seul lieu de rencontre des Communautés et des Régions – pour y bénéficier des facilités sur place (personnel, bâtiments actuellement sous-utilisés), ce qui contribuerait à revitaliser cette institution et créerait un écosystème mixte au sein du Palais de la Nation.
- Pour ouvrir le champ d’expérience sans attendre une modification de la Constitution, dans un premier temps, il pourrait s’agir d’une assemblée consultative à laquelle le Sénat ferait appel en modifiant son Règlement intérieur dans le cadre de ses missions actuelles définies par les articles 56[1] et 77-78[2] de la Constitution.
Le Sénat ne pourrait pas décider unilatéralement d’imposer aux Régions et Communautés de collaborer avec une telle assemblée citoyenne (le Sénat ne peut pas conclure d’accord de coopération). Ceci dit, la mission de « veille », ou « d’alerte » de l’assemblée citoyenne pourrait être exercée même à défaut d’un tel accord de coopération. Les « pouvoirs » réels ne seraient donc liés qu’à la force de persuasion de l’Assemblée envers les autres assemblées, conjointement avec le Sénat.
La dimension interfédérale de l’assemblée citoyenne est essentielle[3], qu’elle soit adossée au Sénat (par hypothèse) ou placée sous l’égide du Comité de Concertation[4] (le débat est ouvert). Un plan B « très créatif » serait-il de l’adosser à la Communauté Wallonie-Bruxelles (lieu de rencontre des deux Régions) ? Cela ne paraît pas réaliste vu les compétences de la Communauté en question, qui n’ont rien à voir avec l’environnement. Quant à l’adossement aux Régions, ce ne serait qu’un « plan Z ».
Si la Belgique évolue vers le ‘confédéralisme’, il y aura un besoin d’une Assemblée qui évite les absurdités et les contradictions entre Régions. Il peut bien y avoir « deux démocraties », mais elles devront coopérer sur une série de sujets (à titre d’exemple, la mobilité est une évidence). Cette Assemblée ne sera alors plus un ‘nice to have’ mais une nécessité.
- Dans une seconde phase, afin d’éviter d’alourdir la « lasagne institutionnelle », comme dans un souci d’économie, et pour ancrer la voix de la société civile dans le fonctionnement de notre démocratie, l’assemblée pourrait-elle évoluer vers un Sénat transformé (dans sa composition et sa mission), toujours en lien avec les Régions et les Communautés, ne se limitant pas à un simple rôle consultatif ? Cela permettrait-il de revitaliser le sénat en le chargeant d’une nouvelle mission en lien avec les priorités à long terme ?
La phase II pourrait paraître trop ambitieuse, voire irréaliste car nécessitant un changement de Constitution, outre que nombre de partis flamand (y compris Groen) verraient bien la disparition de cette institution fédérale[5],[6]. Oui, mais… Les partis francophones ne sont pas demandeurs d’une telle suppression. Par ailleurs, à propos de Groen, voici une nuance intéressante : « Il n’y a jamais suffisamment de personnes en politique, mais il y a simplement trop de politiciens professionnels dans ce pays[7] ».
Et en 2018 Le Soir titrait : « Des sénateurs s’ennuient, une nouvelle réforme est attendue », avec en sous-titre : « Le statu quo n’a pas de sens, confirment les constitutionnalistes. » Voir l’article https://plus.lesoir.be/192478/article/2018-11-27/des-senateurs-sennuient-une-nouvelle-reforme-est-attendue (disponible sur demande si l’hyperlien a été rompu entre-temps).
A propos du Sénat, il existe donc dans la société civile comme dans les milieux politiques des points de vue très variés quant à son utilité et à son avenir. Ils représentent moins une menace qu’une belle opportunité, car nous pourrions ajouter notre voix à ceux qui se posent la question « Comment le rendre plus utile ? », comme l’a fait déjà Philippe Van Parijs ou encore le juriste Arthur d’Anethan (leurs propositions sont détaillées dans la documentation complémentaire). Dans plusieurs partis (…), l’idée de transformer le Sénat en assemblée citoyenne fait (…) son chemin[8].
La phase II fait donc aussi débat. Quoi qu’il en soit, en discuter davantage serait vain. Ce sera au législateur à en décider – dans quelques années ! – sur base de l’expérience de la phase I… s’il la concrétise.
[1] Le Sénat peut, à la demande de quinze de ses membres, de la Chambre des représentants, d’un Parlement de Communauté ou de Région ou du Roi, décider à la majorité absolue des suffrages exprimés, avec au moins un tiers des suffrages exprimés dans chaque groupe linguistique, qu’une question, ayant également des conséquences pour les compétences des Communautés ou des Régions, fasse l’objet d’un rapport d’information. Le rapport est approuvé à la majorité absolue des suffrages exprimés, avec au moins un tiers des suffrages exprimés dans chaque groupe linguistique.
[2] Définissant les règles du bicaméralisme.
[3] Voir à ce sujet nos « Sources d’inspirations ».
[4] Le Comité de concertation est composé de ministres du gouvernement fédéral et des gouvernements des Communautés et Régions. Cette assemblée débat des différents dossiers qui, dans le cadre d’une bonne gouvernance, nécessitent une collaboration entre les différents niveaux de pouvoir et doivent être vérifiés en ce qui concerne les différentes compétences.
[5]https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_les-elus-flamands-plaident-pour-la-suppression-du-senat?id=10082961 (27/11/18)
[6] Quant à Marc Coucke, il propose de supprimer le Sénat, « une institution dépassée et onéreuse » pour… majorer d’ici deux ans de 500 € les revenus des Belges qui perçoivent moins de 2.000 euros nets par mois ! (Il devrait revoir les termes de son équation, tout comme son estimation du coût du Sénat).
[7] Le chef du groupe de Groen à la Chambre, Kristof Calvo, suggère une réduction du nombre de mandats politiques en Belgique en supprimant notamment le Sénat : https://plus.lesoir.be/192300/article/2018-11-26/quand-deux-senateurs-avouent-que-leur-fonction-ne-sert-rien-video.
[8] In : https://plus.lesoir.be/208825/article/2019-02-25/la-communaute-germanophone-se-dote-dune-assemblee-citoyenne#_ga=2.197687471.1051071258.1551109947-1054748532.1544610533